Exposition ANTICORPS, Palais de Tokyo
Le 23 octobre 2020, démarrait l’exposition « Anticorps » au Palais de Tokyo, initialement prévue jusqu’au 3 janvier 2021. Interrompue par un retour au confinement en France, l’équipe du musée parisien a quand même décidé de maintenir le lien avec son public, en proposant un accès aux ressources visuelles et écrites de l’exposition.

Cette fermeture du musée s’impose avec ironie, car c’était justement ce que l’exposition contemporaine observait à la loupe : le confinement, les modifications des interactions sociales, la modélisation des chiffres, les répercussions sur le corps… Les « curatrices et curateurs » de l’exposition présentent leur démarche ainsi « Le confinement ainsi que la distanciation physique et sociale, adoptées à l’échelle mondiale, nous font reconsidérer l’hermétisme de nos corps. Avions-nous oublié à quel point nous étions poreux-ses ? ». Ils réunissent donc des artistes du monde entier qui réfléchissent la crise sanitaire et invitent le public à y réfléchir, aussi.
ANTICORPS, Corps collectif
« Les artistes réuni·e·s au sein d’Anticorps font état de caresses, de murmures, de souffles et de menaces qui questionnent nos réactions, nos transactions émotionnelles, nos rapports sociaux. L’exposition aborde la crise sanitaire actuelle comme un terrain commun à partir duquel des œuvres, ainsi que les relations tissées entre elles, permettent de questionner la distance et le toucher, deux termes intrinsèquement politiques et poétiques. »
Les artistes interrogent les zones spatiales, les frontières, les barrières sociales, la séparation, la circulation de personnes, le déplacement. Autant de situations qui nous concernent tous et interviennent dans chaque activité – hors de chez soi – de la vie. Comment subissons-nous certaines interdictions contraires à notre condition d’humains ? Comment réagissons-nous intérieurement et intimement aux effets de la crise sanitaire ? Les artistes n’apportent pas de réponses, mais enrichissent et stimulent notre questionnement collectif.
ANTICORPS, cartographie du virus
L’architecte et fondateur de Forensic Architecture [architecture d’investigation ou architecture légale], à Londres, Eyal Weizman, dans « Surveiller le virus », traduit par Jean-François Caro, observe le principe des modélisations révélant en temps réel la progression du virus.
« La pandémie de coronavirus dessine un diagramme traduisant nos interactions sociales – nos contacts physiques et nos relations avec autrui, nos rapports de proximité, nos déplacements, notre usage des équipements et des infrastructures. » — Eyal Weizman
L’architecte évoque les algorithmes de « reconnaissance de formes » qui exécutent un calcul informatique s’appuyant sur le passé et projetant les probabilités du futur. Il précise que «Cette cartographie recense non seulement les lieux que nous avons visités et les gens que nous avons fréquentés, mais aussi les endroits où nous pourrions nous rendre à l’avenir et les personnes susceptibles de nous accompagner, si bien qu’elle s’étend à chaque point dans le temps. »
Ces algorithmes mesurent alors « la circulation de la population dans l’espace et ses réactions aux différentes instructions, restrictions, indications et incitations, ainsi que les modulations du comportement induites par ces interventions. », menant des populations entières, envisagées comme des masses, réduits à être observés dans un laboratoire géant. Ce système d’analyse est à l’échelle de la pandémie : mondial et « le virus rend visible un environnement viral, humain et algorithmique. Pour le formuler autrement, la pandémie constitue en quelque sorte un système d’information à la fois matériel et virtuel. »
En prenant le recul sur ce réseau d’informations qui se tisse autour de nous, pourquoi ne pas réexaminer, toujours, avec le même plaisir, Espèces d’espaces de Georges Perec et en retenir la citation évocatrice :
« Vivre, c’est passer d’un espace à l’autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner » ?
► EXPOSITION ANTICORPS PALAIS DE TOKYO : Présentation ► EXPOSITION ANTICORPS : Accès virtuel aux ressources
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