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Home Street Home, par Isidora

Comment injecter de la gravité dans son propre personnage ou comment répondre à une question par une autre question avec toute l’austérité manifeste dont il devrait être capable vu le nom anti-épicurien dont il est doté, Paul A. répond à une demande par une autre demande, à des directives par des injonctions, à une idée créatrice par une autre.

Home Street Home - street

La Grande Pomme, dans ce qui ressemble à un milieu d’après-midi bruyant, les couleurs, toutes sans exception, qu’elles soient sonores ou visuelles, sont bleuâtres, à croire que l’uniforme des agents de la NYPD a oxygéné toutes les teintures urbaines et leur a injecté un bleu délavé.

Il est peut-être 15h ou plus, le soleil ne refait que timidement surface après la pluie en intraveineuse qui vient de déteindre un peu plus sur la ville. Une cabine téléphonique contredit la moiteur citadine de ce monde apathique par la peinture verte que Sophie C. lui injecte à même son cadre et l’asphalte qu’elle recouvre. Un faux regard, un pot de fleurs fraiches qui s’apprêtent à faner, une chaise habitée par la solitude au milieu d’une foule grouillante, ornent cette cabine où le téléphone règne en mémoire d’une communication perdue dans la froide neutralité de la ville-monstre. Cette ville qui nous avale tout-e-s ; ville-ogresse chronophage et gourmande de souffrance et de désespoir. L’écrivain sourit à la photographe, le bitume à la farce humaine.

Home Street Home - street 2

« Home Street Home », la rue appartient à tous, mais surtout à ceux qui n’ont plus rien.

L’image forme la réplique de la rue et elle crée un argument fort. Au-delà du sentiment, le pouvoir de l’émotion suggérée par l’absence d’humains dans la photo, qui grouillent de façon ubiquitaire dans cette représentation, permet non pas d’informer sur une situation particulière, qui n’est en réalité que désespérément banale et quelconque mais de dire la chose, de dire comment la ville-monstre va les faire disparaître un par un. La photographe ne le sait pas encore ; ils seront rapidement engloutis dans une vertu nouvelle, une plaque commémorative aux victimes des subprimes dans une ville nettoyée, délavée de ses pauvres qui faisaient tache dans le joli bleu ambiant.

Tout Sophie Calle, « 52 cartes, Actes sud »

 

 


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