Les choses passées futures de Jérôme
Jérôme participe à l’atelier d’écriture en nomade. Il démarre, mais, déjà, il parvient à traduire l’effet du quotidien, de l’ordinaire, et je pensais qu’il fallait partager cette attention portée aux choses simples de la vie. Ces fragments ont été conçus dans l’esprit de Sei Shōnagon (Femme de lettres japonaise du XIe siècle).
Choses agréables passées du jour
Marcher dans la ville une bête boîte en carton à la main, la tenir contre soi comme on transporterait un objet précieux, à l’abri du regard des passants. Pourtant, cette boîte ne contient pas grand-chose : de la farine, de l’eau, du sel et d’autres ingrédients tenus secrets. Laisser l’odeur douce et lactée de la mozzarella, celle sauvage et champêtre de la truffe aiguiser son appétit. Se rendre compte que ces senteurs et la perspective du repas à venir rendent le pas léger, font oublier la froideur de la ville, la laideur des voitures, le teint maussade des piétons.
Choses agréables à venir du jour
Bientôt, attendre Romane à la sortie de l’école. L’imaginer dévaler les marches en courant, bringuebalant, son cartable plus gros qu’elle, les joues rougies par le froid. Sentir sa main dans la mienne et l’entendre raconter ses exploits ou annoncer du bout des lèvres une mauvaise note. Voir ses yeux pétiller devant une pâtisserie et son visage rayonner quand elle en ressort une boîte de macarons à la main. Fermer les yeux et deviner les miettes orange et violettes à la commissure de ses lèvres joyeuses.
Choses insignifiantes récentes
Quarante minutes entre deux réunions, quarante minutes pour se changer les idées au parc en dévalant les kilomètres, le souffle court, chaussures de sport aux pieds. Mais un double nœud récalcitrant. Un double nœud qui fait perdre un temps précieux. Un double nœud qui fait s’énerver, râler, s’impatienter. Un double nœud trois minutes plus tard oublié.
Étrangetés ou bizarreries de la vie
Détester quelqu’un qu’on ne connaît que par les journaux. Abhorrer sa condescendance, son cynisme, son hypocrisie. Et pourtant quand on ne l’attendait plus, à l’occasion d’une épidémie, le voir se révéler compatissant et empathique, proche et bienveillant. Relire ses paroles, avoir l’envie d’y croire, sans vraiment oser, douter mais espérer. Trois jours plus tard, ouvrir les yeux, se rendre compte qu’on s’est joué de nous.
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