Ordre et désordre par Anna
Grammaire inhumaine
Dans le métro errent des sujets juxtaposés. Au travail, c’est idéalement la coordination qui régit la syntaxe d’équipe, et pourtant, la proposition régissante, affublée d’un ego majuscule, force souvent les règles morphosyntaxiques et subordonne à tout va, vidant de son sens jusqu’au plus petit attribut, assujettissant ses auxiliaires et insérant un point final là où il eût mieux valu recourir au point d’interrogation.
Analyse postopératoire de la proposition régissante
A l’époque, tout allait pour le mieux. J’avais recruté les pions qu’il me fallait, naïfs à souhait, qualifiés mais sans ambition, assez inoffensifs pour asseoir mes fesses régissantes sur leur médiocrité. J’avais ciré les illustres bottes des syntagmes et paradigmes indispensables. Il n’y avait plus qu’en interne que je devais imposer ma syntaxe. Pendant un an, j’ai minutieusement lié les ailes des morphèmes libres et rebelles, coupé les liens de coordination superflus, conjugué les malentendus et savonné la planche à qui avait l’audace d’introduire des propositions indépendantes.
Au début, on a des scrupules, mais on s’habitue vite. Je me savais supérieur, cela justifie tout. Quand on maîtrise la grammaire, qu’importe l’agencement des phrases ?
▶ Anna participant.e aux ateliers d’écriture que nous proposons.
▶ Retrouvez d’autres créations de participants de Rémanence des mots : ici