Pêpê mon oncle de Macha
Macha participe à un atelier en nomade. Elle ne manque pas d’humour, comme ses textes le suggèrent. Elle a le goût des mots : incongruités, accidents poétiques, bizarreries linguistiques… tout devient jeu pour elle dans ses créations littéraires ! Pour ces deux écrits, elle est partie de deux premières phrases existantes :
- La première est issue de l’Autofictif d’Eric Chevillard.
- La seconde, c’est Kafka et c’est un clin d’oeil à Pierre Senges qui a fait plusieurs variations autour de cette phrase dans Etudes de Silhouette publié aux Editions Verticales.
Agathe et Suzie me font les poches, fouillent ma messagerie, me filent discrètement dans les rues… Je crois qu’elles me soupçonnent d’avoir une autre fille. Je deviens vraiment fou. Je ne sais pas comment faire pour cacher l’existence de Lily-Rose. Elles vont finir par me pousser à quitter l’appartement, à décamper rapidement. J’ai pourtant vérifié, trié, caché toutes les photos et documents attestant sa naissance. Elles me gâchent la vie. On ne peut pas balayer facilement ces deux-là. Je connais bien mes sœurs. Elles sont trop calculatrices. J’ai besoin de souffler, mais je n’ai pas un moment de répit. Je vis entre deux familles et je me sens si isolé, épinglé dans un secret trop lourd à porter.
La porte s’entrebâilla. Un revolver apparut au bout d’un bras tendu. Mon oncle rentre toujours chez moi sans frapper. Cette fois, il tend un accessoire superfétatoire déniché certainement à la Fashion week.
– Haut les mains ma nièce préférée !
– Tonton, encore une fois tu rentres sans frapper !
– Bonjour ma chérie, oh la la ! toi, tu ne sais toujours pas fermer une porte à clé !
J’ai connu mon oncle fauché comme le blé. Je me souviens, on poussait sa vielle Citroën CX avec mes frères pour qu’elle démarre. Aujourd’hui, il porte des lunettes teintées et des costumes couleurs sable de je ne sais quel créateur. Il se fait appeler « Peter Moore » et dans le gotha c’est « Pêpê » Il parle avec un accent italien alors qu’il vient de la Sarthe. Il a besoin de se donner un genre. Ce glissement d’identité ne nous étonne pas. Il a toujours été rocambolesque.
Il me montre régulièrement des photos avec ses amis stylistes prises lors de défilés ou de soirées VIP. Et son métier reste un mystère. Est-il un représentant ? Un jet-setteur ? Un imposteur ? Il a l’art de détourner le sujet.
– Regarde ma chérie, qu’est-ce que tu penses de mon sac, c’est Versace qui me l’a donné ? Et cette chemise de Karl Lagerfeld, elle me va bien ? Hein, dis-moi ? Il tourne autour de lui-même, sémillant, comme s’il sortait d’une cabine d’essayage.
Il me demande toujours mon avis sur ses fringues. Alors qu’il me répète que je m’habille comme madame Pipi. C’est tout lui, c’est mon oncle, avec ses contradictions.
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