Point de vue narratif – Comme une caméra !

En atelier d’écriture animé par Lucie Rico, Bleuenn a expérimenté une technique d’approche du point de vue narratif. A partir d’un extrait de film (Caché de Haneke), les participants ont testé différentes perspectives. Voici les écrits de Bleuenn !

Raconter une scène comme une caméra de surveillance

Maintenant que Papa a quitté la maison, Maman va et vient moins frénétiquement. Elle est plus apaisée, plus concentrée. Fils aussi est parti de la maison. Il n’y a plus d’hormones mâles pour troubler Maman. Sa beauté s’épanouit.

Une image plus proche permettra de voir s’illuminer chaque centimètre de son grain de peau.

Elle est spéciale, exceptionnelle. Son aura saura reconnaître, me reconnaître. Elle me livrera toute sa lumière. Maman ne se refermera pas comme les autres. Maman ne criera pas comme les autres.

Narrer du point de vue de spectateurs qui regardent la vidéo précédente

Lorsque l’objectif zoome sur Delphine, il ne comprend pas immédiatement. Il pense d’abord que les cambrioleurs ont capté du mouvement à l’intérieur, ont compris que, non, lui parti, le champ n’était pas encore libre pour entrer et s’emparer de la TV à écran géant, de l’iMac dernier cri, de la PlayStation de Lucas.

Mais tandis qu’à ses côtés Delphine vitupère, le regarde à la fois furieuse et inquiète, à l’écran l’objectif s’attarde sur elle, flirte avec elle, immortalise ses moindres mouvements.

Daniel souffle un instant : enfin la caméra s’éloigne ; mais il n’a pas le temps d’être soulagé que déjà l’objectif replonge dans l’intimité de son épouse, lui touche presque l’épaule, la nuque. Qui est-il ? Qui est Delphine ?

Le point de vue du voyeur – caméra très serrée

« C’est vrai qu’ils ont modifié l’aménagement du salon depuis la dernière fois. » Il se heurte la cuisse une fois, deux fois, à un meuble – ce doit être la console blanc laqué, qu’ils ont donc adossée au canapé.

Depuis que Marie-Claire Maison a publié des photos de la maison de Juliette Binoche, tous les intérieurs chics parisiens et de province se sont retrouvés pourvus de telles combinaisons – canapé-console, canapé-bureau, canapé-commode…

À tâtons (pourquoi a-t-il donc négligé de prendre sa lampe frontale alors qu’il savait, il savait, que la topographie du salon lui serait partiellement inconnue ?), il s’avance vers la grande bibliothèque. Conçue sur mesure par un ébéniste fameux dont l’atelier se trouve à Montreuil, et encastrée contre le mur du fond, ce meuble ne risque pas d’être délogé et relocalisé.

Pour lui, c’est une bonne fortune, car la lumière et l’angle seront idéaux pour filmer comme il le souhaite.

▶ En savoir plus sur les ateliers d’écriture que nous proposons.
▶ Retrouvez d’autres créations de participants de Rémanence des mots : ici