RÊVE DE CIGALE

Il doit chanter à la Cigale bientôt, car il a gagné le concours de la ville. En cours de chemin, il s’arrête devant une maison, où une dame sur le pas de la porte lui demande d’entrer, puis lui fait signe de monter à l’étage.
Arrivé à l’étage, il voit un vieil homme avec une cigarette allumée à la main : c’est son Grand-Père. Mais il était mort depuis longtemps, il le sait… ce n’est pas bon de voir les morts ! « Ne m’embrasse pas, dit-il à son Grand-Père », – car lorsque les morts embrassent les vivants, c’est souvent un mauvais présage… Le Grand -Père ne l’embrasse pas mais lui dit : « Quelque chose d’important va arriver ».
lorsque les morts embrassent les vivants, c’est souvent un mauvais présage…
Puis il se retrouve à la Cigale. La salle est pleine, sa famille, ses amis, ses connaissances professionnelles. Il commence alors à chanter, mais un tout petit filet de voix, comme un mince ruisseau sort de sa gorge. Il ne saist pas comment réagir, alors il continue à chanter malgré tout. Et la voix, petit à petit, prend du volume. C’est étrange, plus il chante, moins il se fatigue et plus sa voix prend de la force, de l’ampleur, de la nuance, de la puissance.
C’est étrange, plus il chante, moins il se fatigue et plus sa voix prend de la force, de l’ampleur, de la nuance, de la puissance.
Les notes qui sortent de sa bouche vont dans tous les recoins de la salle de spectacle, et cela sans effort, comme si un amplificateur était intégré dans son corps. Et maintenant, il voit son père qui fait partie des spectateurs, se lève et arriver sur scène. Son père prends le micro, et se met à chanter à son tour. Sa voix est ridiculement faible comparée à la sienne. Et puis la voix de son père prend du volume, comme la sienne : iIs commencent à chanter ensemble. Mais c’est étrange, son père est mort. Alors, comment ont-il fait un duo à la Cigale ?

J’espère qu’il va bien chanter. Avec toutes les leçons et conseils que je lui ai donnés, il devrait s’en sortir. Il a l’air perdu sur scène. Ca y est, il commence à chanter… timidement. Sa voix prend de l’assurance au fil des chansons. « Allez , vas-y, il faut y croire : colonne d’air, ancrage, respiration, résonateurs, plexus-côtes-regards ». Il n’avait pas le regard au début, il l’a maintenant. Je pense que je devrais aller sur scène pour l’encourager. J’y vais !
– Pourquoi es-tu entré dans mon rêve Papa ?
– Mais c’est moi qui ai rêvé de toi alors que tu chantes.
– Ce n’est pas possible c’est MON rêve, car toi, tu es mort, et tu le sais bien !
– Tu en es bien certain ? Tu ne confonds pas avec ton Grand-Père, qui, lui ,est mort ? Tu sais pourquoi c’est moi qui rêve : parce que j’étais venu à la Cigale voir Pavarotti, et je te vois toi te mettre à chanter comme lui. C’est bien un rêve ça !
– Mais Papa, tu ne vas jamais dans les salles de spectacle, tu ne sais même pas comment c’est fait. C’est bien moi qui rêve, et toi qui viens me voir chanter, dans MON rêve.
Giorgio a créé ce court récit lors d'un atelier d'écriture « Moi et mes autres moi » animé par Sébastien Souchon. A cette occasion, les participants ont emboîté les récits, dans les pas de Jorge Luis Borgès.
▶ Giorgio participant.e aux ateliers d’écriture que nous proposons.
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