Junko Odajima, les histoires de l’artiste-plasticienne

Junko Odajima a quitté le Japon pour la France où elle vit et travaille. Le Japon habite ses œuvres et dialogue avec le pays d’adoption de l’artiste-plasticienne : la France. Rémanence des mots est ravi de collaborer avec Junko et de permettre à ses participants de s’essayer à un art japonais qui entrera en résonance avec l’écriture et les livres !
Des origamis pour passer le temps
Enfant, Junko souffre d’angines et doit manquer l’école. Ses parents tiennent un commerce qui les accapare. Ils n’ont pas un moment pour elle. Seule dans sa chambre, elle cherche à occuper son ennui. Elle doit prendre un traitement soir et matin. Il s’agit d’absorber deux quantités de poudre, l’une blanche, l’autre orange. Contenus dans de petits sachets de papier repliés comme des origamis, les médicaments ont un goût infect. Le plus désagréable est la poudre blanche aussi pâteuse et épaisse que le plâtre. Pour atténuer le côté désagréable du traitement, sa mère a une idée. Une fois que Junko-enfant a ingurgité son remède, elle peut utiliser le papier pour créer des origamis (uniquement des grues) avec sa mère. Au début, c’est laborieux. Mais ce moment précieux partagé avec sa maman devient une belle motivation pour s’appliquer. Seule dans sa chambre, elle recommence chaque geste, à la recherche de la précision. Elle s’exerce avec minutie. Plus tard, elle apprend à réaliser d’autres sujets d’origamis.

Des arts japonais aux arts-plastiques, un voyage
Sous l’impulsion de sa mère, Junko étudie les arts japonais pendant son adolescence : origamis, arts-martiaux, rituels du thé, calligraphie… Mais ce n’est pas véritablement ce qui l’intéresse. Elle veut étudier l’Art, la peinture – idée désapprouvée par sa mère. Alors, pour échapper à la vigilance de ses parents, elle a l’idée de partir à l’étranger. A l’époque, les jeunes japonais partent principalement pour les Etats-Unis. Là, encore, Junko aime à se démarquer. Elle opte pour l’Europe. Elle part étudier les Beaux-arts dans un pays où elle ne connaît pas la langue.
A Paris, elle rencontre un peintre japonais pour qui elle travaille. Il la sensibilise à la peinture et l’encourage à développer son savoir-faire. Le médium de création de Junko Odajima est donc la peinture – travailler les formes, les couleurs. En parallèle, elle apprend la langue française pas à pas.
Des arts-plastiques aux arts japonais
Elle continue plusieurs années à travailler le dessin et la peinture en prenant des cours auprès de plusieurs professeurs. Un jour, elle décide de participer à un concours artistique. Elle a un projet de peinture sur lequel elle se met à travailler, quand l’incendie volontaire de son immeuble l’oblige avec son mari et ses enfants, pendant plusieurs semaines, à vivre dans un appartement sans eau, sans chauffage, bénéficiant de la solidarité de leur entourage. Impossible de travailler dans ces conditions mais, surtout, la peinture nécessite de l’eau et ne supporte pas les grands écarts de température pour sécher. A quelques semaines du concours, il faut absolument chercher un nouveau projet. Ce sont ces contraintes matérielles qui la mènent à l’origami. Le papier, c’est moins sensible, plus maniable et elle maîtrise.
Petit à petit, elle élabore une histoire – une succession de scènes de vie avec de petits personnages – à partir de boîtes en origami transparentes ou opaques selon le degré d’intimité qu’elles contiennent. Cette œuvre questionne la narration, le rapport à l’histoire intime et les espaces de la pudeur. Elle marque aussi, pour Junko, un nouveau tournant dans sa création. Avec cette œuvre, aujourd’hui exposée à la mairie de Gif-sur-Yvette, Junko a remporté le concours.

Créer des origamis et méditer
C’est à partir de ce moment-là que Junko Odajima se remet, comme au temps de son enfance, à créer des origamis. Peu à peu, elle choisit de ne travailler que la grue. Elle symbolise le bonheur, la paix et la longévité.On dit que quiconque plie mille grues verra son vœu exaucé.
Plier des grues, c’est devenu un geste aussi naturel que respirer pour Junko Odajima, – qui a dû voir bien plus d’un vœu se réaliser depuis qu’elle a commencé cet art –, au point qu’elle crée désormais des structures monumentales. Créer des origamis n’est pas seulement une activité créative, c’est aussi un moment de méditation. Junko rencontre de vrais instants de plénitude lorsqu’elle fabrique des grues. Elles représentent l’art de vivre de Junko et, dans ses installations, elles racontent toujours une histoire implicite. Junko laisse les grues entrer en communication avec les spectateurs qui accueillent une histoire à la vue des grues, intime ou imaginaire.
La vie de Junko Odajima est constituée d’une multitude de petites histoires et ses créations portent en elles, à chaque fois, une histoire dans laquelle s’emboîtent les histoires perçues par les spectateurs.
Junko pense que tout le monde peut créer des origamis, même ceux qui prétendent avoir deux mains gauches. Elle sait transmettre sa patience et accompagne ses stagiaires vers un état de méditation créative.

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