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Robert Walser, Histoires d’images par Colette Couderc

Robert Walser (1878-1956), écrivain suisse alémanique appartient à la génération « fin de siècle » chère à Stefan Zweig dont il est contemporain. Il quitte l’école à quatorze ans et effectue nombre de métiers tout en écrivant des poèmes et de petites pièces de théâtres revisitant des contes pour enfants : Blanche Neige et Cendrillon. Il voyage beaucoup puis s’installe à Berlin, chez son frère artiste peintre. Ses publications dans des journaux et des revues ont vite du succès et il se fait remarquer de Robert Musil et de Franz Kafka, qui est un franc admirateur. En 1913, il retourne vivre en Suisse pour écrire dans le calme. En 1929, il est interné et cessera d’écrire en 1933 jusqu’à sa mort en 1956.

Outre ses romans, Robert Walser se fait connaître par des centaines de ses petites proses, poèmes et scènes dialoguées. C’est sous cette forme qu’il nous présente différents tableaux, objets de ce livre.

Robert Walser - claude maunet

La démarche de Robert Walser

Robert Walser n’est pas historien d’art, ni critique. Il instaure un dialogue entre peinture et littérature bien avant ce que fera Bacon dans la seconde moitié du XXe siècle. Les peintures sont des représentations d’une certaine réalité du peintre ou l’expression d’une histoire, d’un instant, de la nature, etc. ; mais, à son tour, l’écrivain n’est-il pas en droit de réinterpréter un tableau en y racontant sa propre histoire ou ce que lui inspire le tableau ?

Histoire(s) d’images versus Histoire

Dans « Histoires d’images », toutes les époques sont représentées de la Renaissance à l’époque contemporaine de Robert Walser, comme pour nous dire que de tout temps, la peinture peut apporter à celui qui la regarde, source de réflexion, d’émotion, de dialogues.C’est ce que Robert Walser s’attache à nous décrire. Ce sont le sujet et la manière dont le peintre se l’est approprié et rendu qui ont attiré Robert Walser afin de nous les présenter à son tour. Ce peut être aussi l’ensemble de l’œuvre d’un peintre comme Renoir (1) ou Van Gogh (2) qui l’inspirent. Enfin, une technique particulière comme l’aquarelle (3), lui permet de nous révéler ce que le peintre veut nous dire en employant cette technique.

Un journal d’impressions ?

Ses réflexions sont menées tantôt en prose, tantôt sous forme de poèmes (4), (5), (6), (7), ou encore plus classiquement sous forme de sonnet (8), (9). Il peut même dialoguer avec le personnage représenté, telle Olympia(10). Il imagine aussi l’histoire de la femme représentée, ce qu’elle lui a apporté dans sa propre vie et comment ils auraient discouru ensemble si elle avait été vivante (11).

Et peu importe la date du tableau (12) : « Est-il besoin de préciser l’instant, le siècle ? Comme si la date ici jouait un rôle, comme si elle était absolument indispensable ! », c’est l’instant présent où le voyeur émet ses émotions à la vue du tableau qui est important.C’est là la démarche de Robert Walser qui est intéressante et originale. On est loin de l’analyse d’un critique ou d’un historien de l’art qui analyserait le tableau au regard du contexte historique, économique ou de l’école ou du courant artistique auxquels le peintre appartient. Rien de tout cela dans les propos de Robert Walser, non pas par méconnaissance culturelle mais parce que c’est autre chose que lui inspirent les tableaux (13). Il n’est pas possible de savoir comment les contemporains du tableau le percevaient. Donc, peu importe le contexte ! Regardons-le(s) avec nos propres yeux. Il exprime ce que le tableau lui inspire : une autre histoire (14), un dialogue (15), une promenade dans la forêt, une vision des femmes et de leur attraits (16).

Robert Walser - scène

A l’intérieur du tableau / Celui qui regarde

Le contexte est intéressant uniquement dans la mesure où il concerne celui qui regarde. L’exposition à Bruxelles lui donne l’occasion de digresser sur la Première Guerre mondialeet sa propre histoire et les relations entre la Belgique et la Suisse (17) ou bien, de remonter à l’histoire sous Charles le Téméraire où la Belgique appartenait au duché de Bourgogne. 

Il sait nous amener à l’intérieur du tableau, loin de l’élément principal, il nous raconte aussi ce qu’il se passe ou pourrait se passer en arrière-plan, ce que notre œil n’aurait pas nécessairement identifié instantanément. Ainsi, dans portrait de dame, s’il s’attache à la jeune fille au premier plan qui est en train de lire, il nous révèle en fond de tableau le berger qui lui aussi lit en gardant ses moutons. Occasion pour lui de s’interroger sur les motivations des deux lecteurs et leur bonheur de lire. Et au-delà de ce qu’il écrit à propos du tableau, n’est-ce pas sa qualité d’écrivain qu’il interroge. Ses lecteurs trouvent-ils le bonheur dans la lecture de ses écrits ?

Comment regarder un tableau ?

Robert Walser nous propose une autre manière de regarder les tableaux mais sa méthode peut être transposée à tous les arts. Loin des dogmatismes, j’y vois une forme de créativité pour le voyeur qui n’est plus passif face à une œuvre mais actif. En laissant son imagination travailler à partir d’une œuvre on est certainement amené à mieux se connaitre soi-même par la rêverie qu’elle nous inspire mais aussi par des associations d’idées que nous ne pouvons empêcher de faire.

Osons la littérature à partir de la peinture !

_____ Auteure enthousiaste : Colette Couderc


Références (1)  p.77 (2)  p.81 (3)  p.101 (4)  La chute d’Icare p.27 (5)  Le fils prodigue p.29 (6)  A propos d’une gravure… p.41 (7)  Delacroix p.45 (8)  Sonnet sur une Vénus de Titien p.7 (9)  Sonnet sur un tableau de Boucher p.33 (10) p.65 (11) Sonnet sur une Vénus de Titien p.7 (12) p.21 (13) p.15 17 (14) La forêt de Diaz p.49 (15) Scènes de la vie du peintre Karl Stauffer-Bern p.87 (16) Esquisse de « un tableau de Fragonard » p.35-37 (17) p.13


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