Les poumons pleins d’eau, publication de Jeanne Beltane
Complice de Rémanence des mots, Jeanne Beltane publie le roman Les poumons pleins d’eau aux Editions Equateurs.
Le père de Claire s’est suicidé. Elle tente de faire le deuil. Quelque part entre le monde des vivants et celui des morts, surgit soudain un poisson qui a la voix et les états d’âme de son père. Deux voix narratives se côtoient ! Claire va tout faire pour se rapprocher du poisson, quitte à visiter l’absurde !
Comment est née l’idée de ton récit ?
Ces dernières années, j’ai lu plusieurs récits liés à la réincarnation ou au lien entre humains et non-humains (notamment, Croire aux Fauves de Nastassja Martin qui a été une lecture très marquante).
Un soir, sans que je n’aie rien prémédité, un texte est littéralement sorti de moi, d’une traite : l’histoire de mon père qui, à la suite de son suicide, se serait retrouvé dans le corps d’un poisson.
Cette nouvelle, je l’ai envoyée à un concours d’écriture à l’initiative de Nicolas Mathieu, dans l’émission Bookmakers sur ARTE Radio. J’ai gagné ce concours et ma nouvelle a été mise en son par ARTE Radio. Suite à cela, j’ai été contactée par plusieurs éditrices, dont Lize Veyrard aux Equateurs.
Elle m’a encouragée à écrire la suite, et quelques mois plus tard, je lui ai envoyé le manuscrit des Poumons pleins d’eau.
Pourquoi avoir choisi cette forme (poétique) plutôt que le témoignage ou l’autobiographie ?
Je suis partie du réel (mon père s’est suicidé en 2016), j’ai cherché des explications et le réel ne me suffisait plus. Le “vrai” était forcément plus beau que le réel. Alors, j’ai inventé.
N’as-tu pas craint de trahir la part de réel en injectant de la fiction ?
Cela ne m’a pas traversé l’esprit. J’avais besoin de me réapproprier cette histoire, de trouver mes propres explications au geste de mon père et, ainsi, de le rendre acceptable. Pour être en paix avec son choix.
T’es-tu sentie libre dans l’écriture ?
Je me suis sentie très libre ! ça m’a fait un bien fou. C’est la première fois que je sors de l’écriture autobiographique et diariste (je tiens un journal intime depuis mes 8 ans).
Qu’est-ce que cette forme t’a apporté ?
Choisir le roman, la fiction pour parler d’un événement autobiographique et traumatique m’a permis de le mettre à distance et de l’apprivoiser.
Comment as-tu choisi le titre ?
Les Poumons pleins d’eau est la phrase de fin de la nouvelle que j’avais envoyée à ARTE Radio, et son titre. Pour le roman, j’avais un autre titre mais sur les conseils de mon éditrice et d’ami.es, j’ai repris celui de la nouvelle.
Quels rapports entretiens-tu avec les éléments et les minéraux (après un projet sur la forêt) ?
Les végétaux, l’eau, les minéraux occupent une place importante dans mon processus d’écriture. Je puise beaucoup d’inspiration lorsque je marche en forêt ou en montagne.
Avais-tu des références littéraires artistiques préalables ?
Toute l’œuvre d’Annie Ernaux ! Son écriture de l’intime, extrêmement épurée, est un modèle pour moi.
Et quelques livres que je qualifierais de métaphysiques m’ont beaucoup remuée et ont laissé une empreinte forte chez moi, notamment L’Ancêtre de Juan José Saer et 7 de Tristan Garcia.
Ton roman a-t-il nécessité des recherches (notamment dans le domaine scientifique) ?
J’ai écrit ce roman dans une forme d’urgence, ce qui explique que je l’ai écrit rapidement (6 mois). J’ai fait des recherches au fur et à mesure de l’écriture, sans y passer trop de temps pour ne pas perdre le fil de mon récit. J’ai fouillé dans des carnets de notes de mon père, survolé quelques-unes de ses publications scientifiques. J’ai dû aussi faire quelques recherches sur les poissons, à base de vidéos halieutiques sur youtube !
Comment as-tu fait tes choix stylistiques ?
Une écriture que je pourrais qualifier de “fragmentée” s’est imposée à moi. Il y a la narration du deuil de Claire, la voix du père, et les rêves de Claire qui viennent s’intercaler dans le récit. Cela me permettait d’aborder le récit avec plusieurs portes d’entrée, et beaucoup de liberté, comme faire parler un mort ! Raconter les rêves de Claire permettait également de s’enfoncer plus facilement dans un univers irréel.
Comment ta passion pour la musique a-t-elle interféré dans ton rapport aux mots ?
Ma passion pour la musique joue un rôle un peu similaire à mes randonnées en forêt. Je parle surtout de la musique live. Pendant un concert, je suis toute entière dans le son, je me détache du réel, du quotidien. Cela peut sans doute s’apparenter à un état méditatif et souvent les idées et l’envie d’écrire affluent.
Quand as-tu senti que ton projet était fini ?
Difficile à dire. Je dirais que je me suis écoulée de manière spontanée pendant plusieurs mois et tout à coup, je n’avais plus rien qui sortait. Et j’avais trouvé une fin qui n’en est pas une, la boucle était bouclée, j’aimais cette idée de cycle.
Comment as-tu abordé les phases de retouches ?
J’ai fait relire à quelques proches avec qui j’étais en toute confiance quant à leur exigence et leur impartialité. Ils m’ont fait des retours constructifs. J’ai aussi fait des relectures à haute voix, cela permet de se rendre mieux compte si une phrase fonctionne ou pas.
Comment as-tu rencontré ta maison d’édition ?
Grâce au concours Bookmakers ! Lize Veyrard a écrit à Richard Gaitet pour avoir mes coordonnées. On a ensuite échangé autour d’un café et 6 mois plus tard, je lui envoyais mon manuscrit.
Comment as-tu été accompagnée par ta maison d’édition ?
J’ai été et je suis toujours très très bien accompagnée par ma maison d’édition ! J’ai pu participer à la rencontre avec les représentants, en amont de la rentrée littéraire, ainsi qu’avec un panel de libraires.
A quel degré t’es-tu investie dans les choix éditoriaux ?
On a échangé sur un document partagé avec mon éditrice sur les corrections à apporter.
Pour la couverture, j’ai suggéré une artiste (Caroline Pageaud) dont j’apprécie beaucoup le travail et dont je pressentais que l’univers graphique fonctionnerait bien avec le roman. Mon éditrice a accueilli ma proposition avec enthousiasme et, après avoir lu le manuscrit, Caroline nous a fait la superbe proposition qui est devenue la couverture !
Comment vis-tu cette rentrée littéraire 2022 ?
C’est très nouveau tout ça. Il y a un an et demi je ne savais pas que j’allais écrire un roman et encore moins qu’il allait être édité. J’aborde cette rentrée littéraire pleine de curiosité et d’excitation.
Quelles sont les rencontres, les lectures ou les dédicaces prévues ?
Pour l’instant je présente mon roman à Lyon (le 12 septembre) et à Clermont (le 19 septembre) dans le cadre de la présentation de rentrée de Auvergne Rhône-Alpes Livre et Lecture. Le 16 septembre, Richard Gaitet présentera mon roman parmi ses 5 coups de cœur de la rentrée à la médiathèque de Saint Denis. Je serai à la fête du livre de Saint Étienne en octobre et à celle de Toulon en novembre. Des rencontres en librairie sont en train de s’organiser.
Où recommandes-tu d’acheter ton livre ?
Chez un libraire indépendant. (Liste des librairies où on peut le trouver ici.
As-tu un autre projet ?
Je prends des notes au quotidien. Sur des émotions, des questionnements… Je pense que, comme pour Les Poumons pleins d’eau, ces notes viendront nourrir un prochain roman. J’ai une ébauche de sujet mais c’est encore trop flou pour en parler. Écrire régulièrement permet de cultiver le désir créatif.
Quel message souhaiterais-tu passer à des participantes et des participants Rémanence qui aimeraient aller au bout d’un projet littéraire ?
Je leur conseille de trouver une routine. Pour ma part, j’accumulais des notes, des bribes de textes, et je n’avais aucune rigueur quant à l’écriture. Quand j’ai pris la décision d’écrire ce roman, je me suis trouvé une routine : tous les mercredis matins (moment de la semaine pendant lequel je ne travaille pas et je n’ai pas ma fille), je sortais de chez moi (pour ne pas me laisser distraire par une tâche domestique par exemple) et j’allais écrire dans un café. Il faut que cette routine s’intègre facilement dans votre emploi du temps et coïncide avec un moment de la journée où vous pensez être le plus créatif / productif (personnellement, c’est le matin !).
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