MER, Alexandre MEHEUST
Alexandre MEHEUST est très actif et se laisse porter par les surprises des propositions d’écriture qui se font écho et se complètent. La mer, c’est l’un de ses éléments, alors, il sait la faire parler.C’est le cas à travers ce court récit de fiction.
MER
Penché sur la carte marine, à l’abri des éléments dans sa cabine, Louis-Antoine était soucieux. D’après ses estimations ils devraient maintenant se trouver au large du Queensland, Australie. La côte y était peu accueillante pour les navires du tonnage de La Boudeuse. Hauts-fonds, courants traîtres, coraux, tout était réuni pour transformer un navire en copeaux. Mais il fallait passer, coûte que coûte.
Ses hommes avaient confiance en lui et en ses talents de navigateurs. Il les avait mis en lumière lors de sa précédente expédition vers le Canada. Sans son pourpoint, en bras de chemise, le navigateur et explorateur transpirait à grosses gouttes. La tension créée par les eaux où ils croisaient ajoutait au stress. Mais il fallait passer.
Sans son pourpoint, en bras de chemise, le navigateur et explorateur transpirait à grosses gouttes. La tension créée par les eaux où ils croisaient ajoutait au stress. Mais il fallait passer.
Un jeune mousse vint lui annoncer qu’il faisait route au 145°, et filait à quelques trois nœuds. Pour l’instant les éléments jouaient en leur faveur, mais pour encore combien de temps ? Une bascule de vent, une inversion de marées mal calculée et c’était la catastrophe pour les 174 membres d’équipage et leur cargaison.
Son ami Philibert Commerson, le fameux naturaliste, prenait part à cette circumnavigation. Il avait été chargé par le Roi de rapporter des espèces de fleurs de chaque étape. L’astronome Pierre-Antoine Veron était, quant à lui, investi d’une mission bien particulière : cartographier le ciel de l’hémisphère Sud.
La gloire du Royaume de France était en jeu. L’échec, ou l’abandon, étaient interdits. C’était là de toutes façons des mots qui n’avaient pas droit de cité dans son vocabulaire.
Encore deux jours de navigation à vue des côte déchirées du Queensland et de sa barrière de corail. Puis ce serait les eaux ouvertes de la mer de Corail qui s’ouvriraient devant la proue de leur vaisseau.
Afin d’agrémenter le voyage, mais surtout à dessein de ne pas diffuser une tension inutile parmi les hommes d’équipage, un groupe de quatre musiciens avait pris place à bord de La Boudeuse. Les quelques airs d’opéra joués sur le pont, par beau temps, permettaient aux mousses et autres canonniers de tuer le temps entre chaque manœuvre. La musique comblait également le vide des soirées en mer.
Dans le sillage de La Boudeuse, filait L’Etoile. Après deux rendez-vous manqués, les deux navires faisaient maintenant route de concert. La survie de l’un dépendait de l’autre. Les rares escales avaient permis aux deux équipages d’échanger des impressions, des souvenirs mais aussi du rhum et du tabac. Les jours de tempête succédaient aux jours d’insouciance. Seul Louis-Antoine de Bougainville restait concentré sur sa mission.
Après deux rendez-vous manqués, les deux navires faisaient maintenant route de concert. La survie de l’un dépendait de l’autre.
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