Souris Lea, Pauline Salas

A son retour de vacances, Lea commença à entendre des petits bruits le soir chez elle. Des petits grattements, des petits toc toc, des petits ksss ksss. Elle ne savait pas très bien d’où cela venait, ni non plus ce que c’était, mais elle notait bien une différence à d’habitude, puisque son logement était réputé pour être calme. Elle supposa que cela provenait de l’appartement d’à côté, en travaux.
Un soir, accoudée au bar de la cuisine, elle sentit une ombre passer, elle eut juste le temps d’apercevoir une petite souris grise avant qu’elle ne se cache derrière la machine à laver.
Horrifiée, tétanisée, Lea voulut pousser un cri de panique mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle détestait ces petits rougeurs. Elle en avait du dégoût, cela la mettait dans un état où elle en perdait le contrôle et la raison.
Prise de panique, son premier réflexe fut d’appeler son père qui vivait non loin de chez elle. Il décrocha le téléphone à la deuxième sonnerie, Léa prit un ton grave comme si elle lui annonçait la mort de quelqu’un. A la fin de l’annonce, son père éclata de rire et lui fit comprendre qu’il s’attendait à bien pire vue le ton inquiet de sa voix.
Des petits grattements, des petits toc toc, des petits ksss ksss.
Incomprise, Lea, se sentait seule et abandonnée. Son père ne mesurait pas l’ampleur de la situation. Il minimisait l’épreuve qu’elle traversait. Léa devait résoudre ce problème seule. Elle avait cette phrase en tête, « Dans la vie, on est toujours seul lorsqu’il nous arrive les pires souffrances », elle le confirmait…

Désorientée, elle tenta d’aller se coucher essayant d’oublier la présence de cet intrus. Impossible, elle continuait d’entendre les petits grattements, les petits toc toc, les petits ksss ksss. Les sons étaient amplifiés comme si plus rien n’existait autour. Elle entendit des bruits de plastique, le rongeur se débattait, il s’était pris au piège tout seul dans la poubelle. C’était son unique chance de se sentir à nouveau en sécurité, elle devait attraper la poubelle et la jeter rapidement hors de l’appartement.
Les sons étaient amplifiés comme si plus rien n’existait autour. Elle entendit des bruits de plastique, le rongeur se débattait, il s’était pris au piège tout seul dans la poubelle.
Il fallait du courage, son coeur battait comme si elle courait un marathon. Tremblante elle s’approcha du sac plastique, elle se mit à chanter fort pour couvrir les petits grattements, les petits toc toc, les petits ksss ksss. La gorge nouée, l’estomac serré, Lea saisit la poubelle, ouvrit au même instant la porte d’entrée et la lança dans le couloir. Ce n’était pas très citoyen, mais trop d’émotions pour ce soir, elle ne pouvait pas descendre avec, elle s’en occuperait demain.
Libérée, mais toujours la peur au ventre, elle alla se coucher.
Depuis cet épisode, cela avait créé une parano chez elle, tous les jours elle était à l’affût de la moindre présence étrangère. Cela commençait lorsqu’elle faisait son yoga. Elle avait remarqué un petit espace entre la porte d’entrée et le sol. C’était sûrement par là que la souris était rentrée. Elle guettait ce trou comme si la puissance de son regard pouvait éventuellement empêcher la présence de cette bête. L’interstice était la porte d’entrée de ces malheurs.
Lorsqu’elle ouvrait ses placards, elle scrutait chaque grain de poussière attentivement. Elle savait que si elle repérait de petites billes noires, cela signifiait que le rougeur était à nouveau avec elle. Effectivement, après l’enfer de cet été, elle avait trouvé des petites crottes de souris dans son armoire. Chaque détail en disait long pour Lea.
Le pire c’était le soir, le moindre grincement entraînait une chasse improvisée. Alors, elle allumait toutes les lumières, ouvrait tous les placards et attendait stoïquement sa proie. Souvent au bout de quelques minutes elle n’entendait plus rien et revenait à ses occupations.
La chasse d’eau de l’appartement d’à côté, son voisin de palier qui rentre, les pas des enfants du dessus, le sifflement du radiateur. Chaque son avait du sens pour Léa, rien ne lui échappait.
Elle était devenue une experte de chaque bruit, elle savait les définir un par un. La chasse d’eau de l’appartement d’à côté, son voisin de palier qui rentre, les pas des enfants du dessus, le sifflement du radiateur. Chaque son avait du sens pour Léa, rien ne lui échappait.
Parfois, dans ce méli-mélo de bruissement, elle ne savait plus si c’était le fruit de son imagination ou la réalité.
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