HÔTEL VIRGINIA de Dorothéa Shultz
Hôtel Virginia est un court roman collectif, créé par 6 auteurs-participants Rémanence des mots pendant la saison 2018-2019, sous l’impulsion et l’encadrement d’Anna Mezey et Mathilde Pucheu. Il a été publié par Réma Edition, la modeste maison d’édition de Rémanence des mots.
Pas à pas, mot après mot
Contexte
Lors de la saison 2018-2019, un petit groupe de 6 abonnés Rémanence des mots a participé pendant un an à des ateliers d’écriture créative hebdomadaires, du nom de « Créations de fiction », animés en alternance par Anna Mezey et Mathilde Pucheu.
Esquisses
Après avoir exploré plusieurs genres d’écriture, les participants ont commencé à ressasser un ou deux personnages. Anna et Mathilde les ont identifiés, puis ont imaginé des trames d’écriture par séance qui permettent d’esquisser une progression narrative en développant des péripéties à partir de noeuds dramatiques.
Les deux animatrices ont incité le groupe à ne plus se concentrer que sur quelques personnages principaux : Léna et Ralph, puis enclencher les actions avec eux.
Cadre créatif
Ensuite, pour fixer un cadre qui dessinerait le point de départ à une structure narrative, Anna Mezey et Mathilde Pucheu ont proposé d’aller d’hôtel en hôtel, permettant à chaque auteur-participant d’affirmer une marque de fabrique, une identité, à travers l’atmosphère d’un lieu.
Une fois que des scènes suffisamment puissantes, des dialogues drôles ou décalés, des portraits de personnages et une suite de péripéties ont été écrits, il fallait tirer le fil d’une intrigue. Nous avons opté pour la simplicité, après quelques variantes narratives :
Ralph démasque une espionne – à moins qu’il se trompe – ; Léna doit se débarrasser de ce garde du corps qui lui colle aux basques, à moins qu’elle le trompe !
Harmonisation des textes
Pour harmoniser les créations littéraires, les deux animatrices ont proposé d’écrire certains textes collectivement à l’aide de cadavres exquis. Puis les auteurs se réécrivaient les uns les autres au point de ne plus distinguer les différentes phases de réécriture, les différentes versions, suivant le modèle du palimpseste. On ne sait plus quel est le texte d’origine à force d’empiler les versions !
Parmi les choix narratifs collectifs, ont été retenus :
- Le droit à l’anachronisme.
- La liberté géographique.
Assemblage, montage littéraire
Enfin, il fallait tout assembler. Pour des raisons d’organisation, de temps et de cohérence d’ensemble, c’est Mathilde Pucheu (avec sa formation lointaine dans le montage de cinéma) qui a mis son sens du montage à contribution et assemblé les morceaux en ajoutant une ou deux petites transitions (des clins d’oeil d’auteure indétectables). Bon, on pourrait aussi utiliser les termes de couture pour définir cette phase de travail – ce qui serait un bel hommage au sens du flou (couture) de Paule Lascoumes (l’une des auteurs réels)
Le titre a été sélectionné par le collectif. Le nom de l’auteure également, mais le choix n’est pas anodin. Il s’agit d’un hommage à Milorad Pavic pour Le Dictionnaire Khazar à partir de qui Léna est née.
Présentation des auteur-e-s
Ensuite, les auteurs ont été invités à rédiger leur propre mini-bio plus ou moins réelle, plus ou moins virtuelle. Puis la 4e de couverture a été imaginée collectivement, mais c’est celle de Paule Lascoumes qui a été retenue. Pourquoi ? La plus délirante et incarnant tellement majestueusement l’univers que charrie le livre.
Création éditoriale
Enfin, tout le travail éditorial a été confié à notre complice, l’éditeur indépendant Corentin Breton, dans le respect de la charte de Rémanence des mots.
Couverture_V1Le livre
La Quatrième de couverture
Cette histoire nous entraîne en Europe dans les années 30. Un couple d’espions va pourchasser le président autrichien. Leur mission : récupérer les micro-films prouvant l’implication du gouvernement hongrois, dans une affaire de vente d’armes. Mais revenons au point de départ. Au début, ils ne se connaissent pas, chacun opère seul. Un cyclone va les entraîner en Europe, d’hôtel en hôtel, où ils finiront par se repérer, se soupçonner, et même se piéger. Jusqu’au jour où ils comprendront comment réussir. Où va les conduire cette mission ?
Dorothéa Shultz est une auteure célèbre en Allemagne mais inconnue en France. Réma Editions a mis la main sur les manuscrits écrits en français de cette grande romancière, inspirée de son expérience freudienne et mystique. Après avoir écrit une trentaine de romans, elle avait mis fin à sa carrière, officiellement pour élever ses enfants, officieusement pour exercer la voyance. Certains prétendent que c’était une couverture d’espionne. Voilà de quoi donner du fil à retordre aux biographes.
Réma Editions est la maison d’édition des ateliers d’écriture créative Rémanence des mots. Derrière Dorothéa Shultz, 6 participants aux ateliers conçus et animés par Anna Mezey, auteure et Mathilde Pucheu, auteure et fondatrice de Rémanence des mots.
Cette quatrième de couverture est déjà très facétieuse ! Le résumé du récit n’est pas exactement fidèle au contenu du petit roman. Quant à la présentation de l’auteure, elle ne s’embarrasse pas de vraisemblance ou de cohérence historique. Elle fonce tout droit et sans équivoque dans la fiction, tout en prétendant au sérieux et à la rigueur.
L’auteure fictionnelle
Dorothéa Shultz, en fait Dorothéa Schultz, est un personnage imaginé par Milorad Pavić, l’auteur serbe, qui propose, dans Le Dictionnaire Khazar, un livre « labyrinthe » étonnant, basé sur la civilisation du peuple khazar – dont on dispose de peu de ressources documentaires – faite de légendes et de mythes. Les informations manquantes sont ainsi comblées par l’imagination foisonnante et ludique de l’écrivain.
Bref, ce personnage est un Docteur qui s’écrit à lui-même ainsi qu’à son mari notamment. Mais c’est également un personnage dont le livre à recueilli le témoignage lors d’un procès.
Les animatrices d’ateliers d’écriture Créations de fiction, ont proposé aux (futurs) auteurs réels de ce livre de donner vie à des personnages issus du Dictionnaire Khazar : Dr Dorothéa Schultz, Léna Ateh… A force d’écriture le « C » de Schultz a disparu, au profit de « Shultz ».
Les auteurs réels
Derrière Dorothéa Shultz, 12 mains, 6 cerveaux, et beaucoup de fantaisie ! Ce récit collectif a été conçu d’abord comme un patchwork puis a pris peu à peu forme, le groupe ayant conçu un ensemble autour d’un objectif commun.
Voici leurs mini-bio où se mêlent le vrai et le faux !
Aroua Sliti est née en 1988 à Tunis, de deux parents Tunisiens. Les parents se sont rencontrés à l’Ecole Nationale des Ingénieurs de Tunisie. Son avenir dans le milieu bourgeois tunisien semblait tout tracé. Seulement, son père, un idéaliste chevronné, décida de troquer la Tunisie pour la France. Le rêve : ouvrir une entreprise fructueuse. Aroua grandit donc en France, en Essonne plus précisément. Elle quitta son département pour suivre ses études et se rapprocher de Paris où elle décida d’évoluer dans les affaires tout en s’attelant à l’écriture à ses heures perdues.
Gabriela Kaufman
Elle est née à l’autre bout du monde, là où se termine un continent et commencent les glaciers. Rêvant de voyages et de vie ailleurs, elle arrive en France, jeune étudiante pleine des rêves pour ce pays découvert dans les livres. Ses ancêtres étaient eux aussi arrivés de loin. Le déracinement se transmettait-il génétiquement ? Sinuant autour des livres et des histoires – une autre manière de voyager – elle se consacre, après ses études de lettres et son master d’édition, à ce qui devient son terrain de jeu : les livres et la fiction, son pays.
Nathalie Pénicaut
Née en 1966 en France, l’auteure, lectrice compulsive de romans classiques et actuels, découvrit les plaisirs de l’écriture à 50 ans passés. Les nouvelles et autres textes courts sont ses formats de prédilection, elle a publié notamment Mensonges célestes et Léna et Ralph, deux enfants dans la tourmente, deux nouvelles restées, hélas, ignorées par la critique.
Véronique Théau, taureau ascendant verseau
Son dada : les mots et leur éclat
Parmi ses préférés : Palimpseste
Son obsession : Trouver le mot qu’elle a sur le bout de la langue
Sa double vie : Issue des sciences de l’Education et formée aux Cours Simon, elle expérimente comme comédienne toutes les formes de théâtre tout en menant une carrière dans le domaine du conseil en formation, puis dans le pilotage de projets de lutte contre l’illettrisme.
Aujourd’hui, elle s’aventure également dans l’écriture à travers l’audiodescription, avec pour autre projet, l’enregistrement de livre audio.
Son grain de folie : se perdre dans le labyrinthe d’un des joyaux du Pacifique !
Paule Lascoumes
Mon nom est Paule et, je n’ai plus vingt ans,
La musique est la compagne de ma vie
Je suis légère, pas toujours fidèle,
j’aime la beauté, quelle que soit la forme qu’elle choisit pour faire son numéro,
elle est le vecteur de mes émotions.
L’amour et l’amitié me rendent heureuse.
Surya Ambrose
Surya démarre l’écriture à l’âge de 15 ans, lorsque sa première relation amoureuse lui donne envie de composer des poèmes « parce que dans les films, ça plaît aux filles ». Deux ans plus tard, persuadé que l’entraînement est la réponse au manque d’efficacité de ses vers, il se lance avec témérité dans l’écriture de nouvelles et de romans et prend finalement goût à l’exercice. Il abandonne alors ses velléités de séduction et se lance dans l’écriture de plusieurs récits dont certains, comme Hôtel Virginia, attestent de son attrait pour les défis complètement inattendus.
La maison d’édition
Réma Edition est une maison d’édition créée et co-dirigée par la fratrie Pucheu : Théo & Mathilde. Modeste maison qui vise à valoriser les écrits des participants aux ateliers et donner des conseils d’écriture littéraire concrets.
Chantier en construction, affaire à suivre !
L’éditeur
Corentin Breton est éditeur indépendant. Il intervient lors de missions de commande, mais développe également sa collection personnelle de poésie au sein de la micro-maison d’édition indépendante (mais plus développée et ambitieuse que Réma Editions) Les Véliplanchistes, dirigée par Laura Boisset.
Après avoir collaboré avec Rémanence des mots, en animant des ateliers d’écriture créative, puis un café littéraire, il a semblé naturel de lui confier ce travail fastidieux.
Exigeant, rigoureux, inventif et très professionnel, nous apprécions toujours de collaborer avec Corentin Breton.
Corentin Breton, en savoir plus INSTAGRAM ARTICLES LES VELIPLANCHISTES
La vidéo de la « vraie-fausse » interview
A l’occasion de la sortie du livre Hôtel Virginia, une partie des horaires réels a enfilé les habits de l’auteure fictionnelle Dorothéa Shultz. Un petit film fantaisiste est né !
Ont contribué à ce film : Véronique Théau (Ecrits / voix / photo) ; Paule Lascoumes (Ecrits / voix / vidéo) ; Nathalie Pénicaut (Ecrits / voix / vidéo) ; Surya Ambrose (barbe glaciaire).
La création de fiction, mode d’emploi
Auteurs de référence
Pour concevoir les ateliers d’écriture, Anna Mezey et Mathilde Pucheu se sont appuyées sur des auteurs de références : * Georges Perec et des dispositifs oulipiens (inventaires, jeux linguistiques) ; * Sophie Calle et son va-et-vient entre réel et fiction ; * Le Dictionnaire Khazar pour piocher des personnages points de départ et envisager l’écriture dans sa dimension livre et extra-livre ; * Jean Echenoz pour son usage des figures de style, sa facétie narrative et son sens du récit ; * Valérie Mréjen pour son traitement du langage et la poétique du fragment ; * Agota Kristoff pour son utilisation de la voix et du point de vue du narrateur. D’autres supports (extraits de films, supports sonores, images…) nous ont permis de déclencher l’écriture auprès de nos participantes et participants aux ateliers. Mais ceux cités ci-dessous ont agi comme des auteurs fantômes avec qui nos auteur-e-s dialoguaient de manière souterraine et fructueuse.
Etapes de fabrication du livre
L’atelier d’écriture s’est déployé en plusieurs étapes.
PARTIE 1// EXPLORATION
Anna Mezey et Mathilde Pucheu animaient l’atelier d’écriture par alternance, une semaine sur deux. Cette première partie était destinée à créer un lien dans le groupe, augmenter la confiance des auteurs en herbe dans leur écriture et accueillir leurs idées, leurs envies, leurs univers. A cette occasion, nous avons visité divers procédés littéraires, joué avec des outils narratifs et linguistiques !
- Création de personnages en vrac à travers des pastiches, leur langage. - Jouer avec l’espace de la page et la ponctuation - Langages imaginaires & dialogues - Narrateurs en vrac - Le corps des personnages - Le suspense.
PARTIE 2 // EXPERIMENTATION
Les auteurs étaient invités à déployer des fragments-instants pour donner vie à des personnages, imaginer des portraits, développer des scènes. C’est à ce moment-là que nous avons sélectionné des personnages et donner une direction au récit.
- Hôtels - Objets - Jeux de piste - Personnages dans les hôtels - Disparition sous vidéo-surveillance - De l’importance de l’insignifiant
PARTIE 3 // CANEVAS
- Tester différentes directions narratives - Vie d’espionne : développer le quotidien de Léna Ateh & les outils de l’espionnage - Ambiance dans les hôtels sélectionnés - Création & développements de péripéties - Créer des scènes flash
PARTIE 4 // REECRITURE & VARIATIONS
- Réécrire sa voisine / son voisin - Se réécrire soi-même - Changer la tonalité d’une scène - Fluidifier le style littéraire - Augmenter / supprimer dans le texte - Ôter les incohérences narratives, faire le choix de maintenir les anachronismes et autres bizarreries
PARTIE 5 // AUTOUR DU LIVRE
- Ecrire la mini bio - Ecrire une variation de quatrième de couverture - Dessiner collectivement l’auteure
FOCUS
Le travail de recueil, transcription et correction des textes était assuré par Mathilde. Travail indispensable pour améliorer les textes, les assembler et diriger l’intrigue.
La vie réelle de l’auteur-e de fiction
Wikipedia
Dorothéa Shultz n’est pas une auteure de fiction comme les autres, elle a sa page Wikipedia. Pourquoi ? Parce que les êtres de fiction s’introduisent dans notre réel !
BookLovers
Quelques citations du roman Hôtel Virginia :
Page Facebook de Dorothéa Shultz
Parce qu’à force d’être inventée, Dorothéa Shultz a fini par exister, voici sa page Facebook (à suivre, bien sûr !) !
BONUS
Voici quelques créations qui ont nourri le roman Hôtel Virginia ! Ce sont des productions d’ateliers relevant du brouillon. Mais on découvre toute la créativité des auteurs et les grandes lignes du livre.
Nathalie Pénicaut
LA ROBE ROUGE
QUI CACHE UN PISTOLET
LES VOLUTES BLEUES
FERME LES YEUX
LA MAUVAISE SURPRISE
LES CLIENTS ONT PEUR
COURS VITE ET LOIN
L’OMBRE TRAPUE DE RALPH
BRUIT DE POURSUITE
Lena déposa son manteau au vestiaire du restaurant et laissa apparaitre son époustouflante robe rouge sang. Elle prit son temps et ondula à travers les tables, à son approche les conversations diminuèrent et les regards convergèrent vers elle. Celui qui l’attendait se leva et vint l’accueillir, prenant un malin plaisir à rester debout pour montrer à tous la chance qu’il avait. Ralph caché dans un coin sombre eut un sourire narquois. Il savait bien, lui, que la chance n’avait rien à faire dans toute cette histoire, le hasard encore moins. Il avait repéré la forme du pistolet contenu dans le sac à main de l’espionne. Le message était clair, le malheureux compagnon de Léna connaitrait une fin tragique.
Il visualisait déjà, les gestes rapides et précis de Léna, anticipait la détonation. Bientôt la victime à terre, serait lui aussi habillé de rouge carmin.
Paule Lascoumes
Dans cette forêt
a l’odeur de feuilles mortes
je me promenais
La frivolité,
le bonheur de cette nuit triste
le parfum discret.
Ma merveille aimée
viens vers moi que je t’enlace
mon bras sur ta taille.
Dans l’hôtel où Ralf retrouve enfin Léna, il ne pense qu’à une chose, la séduire.
Le temps est avec lui, il pleut, les nuages s’amoncellent, cette grisaille va peut être le servir, elle n’aura pas envie de se promener.
Il va l’inviter à prendre un verre dans sa chambre. Il a déjà remarqué qu’elle fredonne souvent, il doit trouver une musique qu’elle aime, pourquoi ne pas demander à son amie ?
Il se fait beau, met son costume bleu, celui qui lui va bien et camoufle son handicap.
Se parfumer ? Mais pas trop.
Ralf rêve : il oublie l’histoire sordide qu’il vit dans cet hôtel depuis l’arrivée de Léna.
Il rêve qu’ils se promènent dans une forêt à l’odeur de feuilles mortes,
il rêve qu’ils se retrouvent la nuit, une nuit frivole et gaie, une nuit musicale,
il rêve qu’il enlace de son bras sa taille fine …
Il se réveille brutalement et tout à coups, la réalité resurgit, elle l’envahit.
Et la nuit est triste, toujours. Quand sortira t’il de ce cauchemar ?
Quand arrêtera t’il de soupçonner Léna ?
Quand saura t’il la vérité ?
Le lendemain il devait rencontrer le Dr Schultz et le Président, auront-ils découvert quelque chose au sujet de l’enfant ?
…. peu à peu Ralf s’est rendormi… Ralf rêve….
Véronique Théau
Enigmatique
Bruit du moteur nuageux
Les yeux vers le ciel
Camaïeux de gris
Au bout des yeux vert et bleu
Fumée cotonneuse
Pays infini
Lorsqu’un dirigeable
S’envole dans le bleu des cieux
Impossible pour Ralf de détacher ses yeux vert et bleu de ce camaïeu de gris. Il y voit un tableau de maître où les tons pastel s’enchevêtrent pour presque former une unité. Lui qui adore la peinture danoise se prend à rêver devant une telle beauté mais le léger bruit de moteur circulant dans le ciel le ramène à la réalité du moment. Les lettres TOOLS sont encore visibles dans le ciel mais pas pour longtemps. D’un geste assuré, il saisit ses jumelles qu’il oriente vers le ciel. Il prend une photo la plus fidèle possible. Il s’interroge sur le message photographié. Pour Ralf, il s’agit bien d’un message codé. Dr Shultz est à ses côtés. Il écoute les commentaires qu’elle lance à voix haute : « Il y a de la publicité partout de nos jours.
– Mais de quelle publicité parlez-vous ? Vous en connaissez le sens ? Votre avis m’intéresse au plus haut point, Dr Shultz.
Dr Shultz se rétracte à demi, moins sûre d’elle. Elle s’adresse à Ralf, interrogative :
– Vous avez raison, cela donne à réfléchir. J’en suis tout excitée. Mon métier est de décoder les mots, les pensées de malades.
– Je compte sur vous, Dr Shultz, pour donner votre interprétation du message. Nous venons peut-être d’être témoins d’un moment crucial d’espionnage. »
Il lui jeta un clin d’œil complice en s’éloignant.
Surya Ambrose
Robe de satin
Virevolte en volutes
Sous la lumière bleue
Odeur de whisky
Rire sonore de Miss Léna
Passions réunies
Salle de bal de nuit
Elle se cache sous la musique
La jeune femme en fuite
Ralf entre dans la salle de bal et s’installe dans un coin, à l’affût. Il sait que la jeune femme qu’il croise depuis des semaines, par un pur hasard quelque peu orchestré, va entrer. Autour de lui, les convives se déplacent comme des nuages, leurs pas noyés sous la musique et les éclats de voix. Elle, en revanche, apparaît en fanfare assourdissante, dans une robe de satin bleue, et il semble à Ralf que chaque ondulation de tissu est une symphonie, avec orchestre au grand complet. Un homme s’approche d’elle et l’éclat de rire de la demoiselle résonne dans la salle comme le chant d’une cantatrice. Ralf se laisse bercer par cette harmonie, son verre de whisky à la main, inspirant lentement son parfum fort et boisé. Léna balaie la salle du regard et aperçoit Ralf, cet homme qui la suit depuis des jours. Elle ne peut masquer un léger sourire d’amusement espiègle et se volatilise dans la foule comme des volutes de fumée. Ralf se redresse et tente de la suivre mais ne la voit plus, ne l’entend plus. La musique de la salle de bal a enfin repris ses droits et couvre tout et tout le monde d’une mélodieuse chape de secret et de mystère.
Aroua Sliti
Sa robe rouge
Le vent dans les feuillages
Les plis de la soie
La pluie qui tombe
L’odeur de la terre mouillée
Quiétude du soir
Lisser sa robe
Le feu du bois moribond
Projette son ombre
Le boudoir rouge
Le vent dans les feuillages
Le feu s’éteint
La nuit tombe. Léna tout de rouge vêtue, se regarde dans la glace. Elle est pâle. Elle se remaquille. Elle est prête. Le parfum de la terre mouillée la saisit. Elle s’arrête devant la fenêtre et inspire profondément. L’herbe et les fleurs embaument l’air. Les parfums de son enfance. Léna est transportée loin, elle a cinq ans chez sa grand-mère, au bord du Danube. Le vent fait voler ses cheveux, elle court… Des braises tombent. La nuit la fait revenir à elle. Le feu de la cheminée s’éteint. Elle prend le passe du concierge. Le métal est froid, lourd. Elle frissonne. Il est temps de passer à l’action. Léna se regarde une dernière fois. Sa robe est magnifique. Le soir tout est possible. Elle quitte sa chambre d’un pas décidé. Dans le couloir, personne pour l’importuner. La voie est libre. Elle introduit le passe dans la serrure de la suite présidentielle, la porte s’ouvre facilement. Léna sourit, écoute, guette. Aucun bruit, elle glisse la pince pour bloquer le pêne. Ca y est. Elle referme la porte doucement, se précipite dans le couloir pour aller remettre le passe à sa place quand elle se fait agripper par une naine sortie de nulle part pour : Ralph caché derrière les lourds rideaux, elle n’a rien vu venir. Ils se regardent dans les yeux. Silence. Ralf finit par lâcher son poignet. Ils se rapprochent et s’embrassent.